Natation : le parcours d’obstacles

« L’enseignement de la natation en France n’est pas satisfaisant. » Professeur d’EPS à Soultz et syndicaliste, Christophe Ansel dénonce le manque de piscines et leur éloignement des établissements scolaires. Une des causes, selon lui, des noyades d’enfants de cet été.

Après les nombreuses morts par noyades intervenues cet été en France, qui interrogent sur l’enseignement de la natation en France, notamment à l’école, votre organisation, le Snep (Syndicat national de l’éducation physique de l’enseignement public)-FSU, a réagi.

Christophe Ansel : Cela fait trop longtemps que l’enseignement de la natation en France, qui est obligatoire, n’est pas satisfaisant. Apprendre à nager à tous les élèves est une priorité nationale inscrite dans les programmes d’éducation physique et sportive, mais les inégalités territoriales sont importantes et le temps passé dans l’eau lors des cours est insuffisant en raison de l’éloignement des piscines pour beaucoup d’élèves. Nous avons réalisé une enquête dans les collèges des deux départements alsaciens qui en atteste (lire ci-contre).

Quels sont ses principaux enseignements ?

Pour que le nombre de noyades diminue, il faut suffisamment de piscines de proximité et de créneaux réservés aux élèves. J’estime qu’aucune piscine ne devrait se trouver à plus d’un quart d’heure de transport des établissements scolaires : les meilleures piscines sont celles où on se rend à pied, comme à Marckolsheim, par exemple, ou Fessenheim, avant qu’elle ne ferme pour cause de vétusté.

Actuellement, les créneaux accessibles aux élèves sont insuffisants. Ils sont limités par le nombre de piscines et la cohabitation avec les écoles primaires, les lycées et l’accueil du public.

Sur certains créneaux, ce sont même les clubs sportifs qui sont en concurrence avec l’enseignement obligatoire d’éducation physique et sportive. Conséquence, entre le transport et les moments passés au bord du bassin pour donner les consignes de sécurité aux élèves, le temps passé dans l’eau est limité.

Un temps moyen de 50 minutes dans l’eau pour un cours de 2 heures

Dans le meilleur des cas, lorsqu’on a la chance d’avoir une piscine à proximité, le temps passé dans l’eau est d’une petite heure, sur deux heures de cours. Dans le Haut-Rhin, 14 collèges ont un temps de leçon d’une heure, mais pour les 29 autres, c’est moins. Le temps moyen passé dans l’eau est de 50 minutes. La natation est la pratique en EPS où les contraintes horaires et financières sont les plus fortes. La seule exception est le collège Leclerc de Schiltigheim, en zone REP +, qui bénéficie de créneaux de plus d’une heure. 46,5 % des élèves de 6e  y sont non nageurs, soit près de quatre fois plus que la moyenne. Et pourtant, grâce à la proximité de la piscine, ainsi qu’à des créneaux natation d’1h20, et surtout à des cycles de quinze séances en 6e , contre entre six et huit en moyenne ailleurs, on arrive en fin de 6e à un taux de non nageurs de 23 %.

Cela prouve bien qu’il n’y a pas de fatalité, qu’on peut apprendre à nager à tous les enfants. Les vrais aquaphobes sont extrêmement rares !

Un autre des enseignements de notre étude est que, si les élèves scolarisés dans les établissements de l’éducation prioritaire habitent majoritairement les villes et se trouvent proches des piscines, cela n’empêche pas les agglomérations d’être dans l’incapacité de répondre à la demande.

C’est donc parmi eux qu’on trouve le plus grand pourcentage de non nageurs. Même si les enseignants d’EPS relèvent des difficultés d’ordre culturelle et religieuse, il faudrait prendre ce défi social à bras-le-corps.

Les piscines construites actuellement répondent-elles aux besoins de l’enseignement de la natation ?

Je ne comprends pas que dans un contexte de contrainte budgétaire, on consacre des millions à des équipements ludiques avec toboggans, rivières à bouées, banquettes à bulles, etc. Le public scolaire est le premier utilisateur des piscines qui devraient en toute logique être conçues pour lui, et non pour les touristes ! En EPS, nous avons besoin de plusieurs couloirs de nage, de bassins d’apprentissage accessibles avec des pentes progressives et que les élèves non nageurs aient le plus possible accès aux rebords afin d’être rassurés.

Pour vous, à qui revient la responsabilité de cette situation ?

C’est le conseil départemental qui a la compétence « collège » dans ses attributions, et donc la mise à disposition de salles adaptées à toutes les disciplines et enseignements. Il ne viendrait à l’esprit de personne de concevoir un collège sans salles de sciences et, pourtant, les responsables politiques haut-rhinois n’ont pas pensé à prévoir suffisamment d’équipements pour l’enseignement de la natation.

Article L’Alsace 02/10/18 Textes : Véronique BERKANI

Enquête natation 2015
analyse_natation_68_201415.pdf (2 téléchargements)

Article DNA du 13/09/15
DNA_13092015.pdf (un téléchargement)

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